mardi 11 décembre 2007

Le nouveau monde

Comment décrire le continent sur lequel je viens de mettre le pied? Difficile !

Nous voici arrivés à 5°East, point de déchargement pour les Norvégiens. Nous sommes arrivés hier après-midi vers 17h, en retard d’un jour car nous avons été bloqués dans la glace un peu avant d’arriver et nous avons dû faire demi tour et contourner les plaques de glace trop épaisses.
L’accostage fut périlleux c’est le moins qu’on puisse dire ! Nous nous sommes amarrés à l’ice shelve (la falaise de glace) qui ne fait ici qu’une petite dizaine de mètres. Mais le bateau a dû s’y prendre à deux fois et le côté avant droit a cogné à plusieurs reprises la falaise, faisant tomber d’imposants morceaux de glace sur le pont (j’ai tout filmé).

Une fois les poteaux plantés et le bateau amarré, ils se sont rendus compte que la falaise était courbe et que le milieu du bateau (l’endroit d’où déchargent les grues) était trop loin du bord. On a donc du lâcher les amarres, reculer de 30 mètres et se raccrocher. C’est drôle car quand je regarde par le hublot maintenant je suis exactement à hauteur du sol.

Le grand moment arriva hier soir à 23h, un petit groupe a décidé d’aller en reconnaissance dans les environs et j’ai mis le pied sur le continent après 11 jours de mer.



Le sol de l’ice shelve est constitué en grande partie de glace bleue, pure et très glissante, il faut donc rester à bonne distance du bord !

Pendant que les Norvégiens et une partie de nos militaires commencent à décharger (le déchargement s’effectuera jours et « nuits » donc nous ferons des tournantes) tandis que nous partons vers la rampe qui descend de la falaise sur la glace de mer.
A peine avons-nous mis pied sur la glace de mer (attention aux crevasses !) qu’une colonie de pingouins Adélides, curieux de voir d’autres bipèdes s’aventurer sur leur territoire, vient à notre rencontre. Nous nous accroupissons et les attendons, ils viennent nous observer de tout près, un petit mètre parfois nous sépare seulement, ils n’ont peur de rien !

Un peu plus loin, dans le soleil (car nous sommes dans l’ombre de la falaise) se trouvent les empereurs. Ils sont assez près de l’eau, mais un guide de haute montagne avec lequel je m’avance estime que la glace est assez épaisse et on s’approche.
Nous nous couchons enfin à 4-5 mètres des empereurs, ils sont vraiment magnifiques, surtout par un soleil de minuit bas sur l’horizon. On se retourne pour voir le navire au loin amarré à la falaise bleu-blanche avec le soleil qui rase cette dernière créant des couleurs roses et turquoises et entouré d’un cercle parfait d’arc-en-ciel, phénomène unique à l’Antarctique dû à des cristaux de glace en suspension dans la stratosphère.

Sur une petite journée, j’ai fait à peu près 1G de photos et vidéos c’est dire.

Un peu plus loin nous apercevons sur la banquise un énorme phoque tacheté (je n’en connais pas l’espèce). Nous nous approchons, il fait environ 2,50 à 3m de long et doit peser au moins 200 kg, la bête se repose au soleil et se gratte la panse de temps à autres sur la glace, sans nous prêter la moindre attention alors que nous sommes à 5m seulement.

1h30 du matin, nous rentrons car il faut essayer de ne pas trop dérégler notre horloge interne, mais on ne sent pas la fatigue lorsqu’il fait plein jour !

Ce matin réveil à 7h30 comme d’habitude (sinon on n’a plus droit au petit déjeuner) et l’accumulation de fatigue commence à se faire sentir, il faut que j’aille au lit plus tôt sinon je ne tiendrai pas le coup !

Voilà ! En tout cas je vous fais plein de gros bisous à tous et je vais essayer de vous envoyer un peu de neige (c’est toujours mieux que la pluie) !!

Yvan

PS : La différence entre un bateau normal et un brise-glace est principalement la proue qui descend beaucoup plus horizontalement dans l’eau formant une sorte de patin. Le navire monte alors sur la glace et la casse par son poids. Toute la coque est évidement très renforcée et les moteurs puissants. L’épaisseur que peut casser le Papanine varie en fonction de la densité de la glace. Si c’est une plaque totalement unique sur des kilomètres, 50 cm d’épaisseur devient limite vu que les morceaux ne savent pas s’échapper et finissent par coincer le bateau. Quand il s’agit de plaques moins vastes, j’ai déjà vu le navire casser de la glace de 2,50m d’épaisseur. S’il traverse une partie trop difficile et qu’il s’arrête, il recule, prend son élan et repart, parfois pendant des jours entiers !

Aucun commentaire: